En lançant cette infolettre, j’avais promis à mes collègues qu’elle serait leur espace d'exploration. Florian m’a aussitôt proposé un texte sur sa relation particulière avec les cartes dans les jeux d’horreur. Je vous épargne les vannes sur la trouille et les citrouilles, mais avouez que le timing est excellent. Bonne lecture !
Je suis ce que mon adorable Papy appelait élégamment un "chie-culotte". Autrement dit, une flipette. Aussi ai-je longtemps évité de croiser la route des jeux d'horreur. Jusqu'à ce que je réalise tardivement que je pouvais y trouver certaines de mes marottes. Psychologie des personnages, emphase sur la mise en scène, direction artistique, empreinte émotionnelle sur le joueur... Mon petit bingo personnel. Seulement voilà : tout ça ne change pas le fait que j'ai le trouillomètre particulièrement sensible.
Pour profiter de ce savoureux gâteau à l’hémoglobine, il fallait une parade. Certain·es jouent en plein jour. D’autres attendent d’avoir du monde à proximité. J’ai trouvé ma propre technique en traversant le très chouette Silent Hill f. Mon truc, c’est la carte. La carte du jeu. Tout simplement ouvrir le menu de la map, de manière un peu frénétique et incontrôlée, surtout quand la pétoche se fait suffocante. Vous me direz : oui, bon, tu prends une pause. Autant appuyer sur start et sortir prendre l’air trois minutes. Ce à quoi je réponds qu’il y a un peu plus que ça dans ma petite soupape.
Pour revoir notre critique de Silent Hill f
Déjà, elle me permet de rester un minimum dans le jeu, dans un genre où l’immersion joue un rôle capital. C’est d’ailleurs pour cette raison que mes coupures sont si courtes, quelques secondes tout au plus. De quoi m’offrir une bouffée d’air tout en gardant une distance bien précise avec l’action. Je n’y suis plus vraiment, mais je n’en suis pas tout à fait sorti et je me prépare à y retourner. Le carnet de Hinako, l’héroïne de Silent Hill f, dans lequel se cache la carte du jeu, est d'ailleurs un élément-clé de la compréhension du récit, vers lequel nous sommes régulièrement invité·es à retourner. Une sorte d’espace interstitiel, qui suspend le temps plutôt que de l'interrompre.
Car évidemment, ouvrir la carte permet de geler la menace, de mettre en stase ce qui est dérangeant. Mais c’est aussi tenter d'avoir une prise sur des expériences qui, elles, œuvrent à saper notre équilibre. Qu’il s’agisse de projeter des contextes mentaux incertains (comme dans Silent Hill ou The Evil Within) ou de nous confronter au surnaturel, au fantastique, les jeux d’horreur ont besoin de nous faire perdre pied pour être efficaces. Et quoi de mieux qu’une bonne vieille carte pour maintenir nos repères ?
Regarder la carte, c’est se réapproprier l’espace, anticiper le prochain virage, le prochain recoin où pourrait se planquer une saloperie mortelle. C’est souffler un bon coup, se remettre la tête à l’endroit et se dire "OK, plus que quelques dizaines de mètres avant le prochain abri". C’est remettre une juste dose de rationnel dans un genre qui tente de l’éradiquer.
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Nos Supers Vieux Jeux préférés font leur rentrée avec une question plus brûlante que les caméras du plateau à la fin de leur si long tournage. Au fait, c’est quoi le retrogaming ? Un tag Steam, des vieilles Game Boy chinées en brocante, jouer en salle d’arcade ? Est-ce que ma passion dévorante pour le jeu en ligne Bébé Vallée en 2005, ça compte ? Vaste sujet que détricotent Sylvain, Raphaël et Patrick, avec l’aide de Philippe Dubois, président de l'association MO5.COM.
Autre programme phare de notre grille, Head Shot fait également son grand retour. Ce mois-ci, Marion s’entretient avec Damien Mayance, développeur et cogérant du studio indépendant Pixelnest, connu pour des titres comme Steredenn ou Flipon. Il y détaille avec beaucoup de sincérité le parcours compliqué de son œuvre la plus récente, le party game de donjons Cthuloot. Si vous avez déjà caressé le rêve de sortir votre propre jeu, c'est une interview à ne pas manquer !
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Et c’est fini pour cette quinzaine. Merci beaucoup pour l’accueil chaleureux que vous avez réservé à cette infolettre. Si on dépasse les 2000 abonnements avant le troisième numéro, je pourrais rougir aussi fort que les joues de Sylvain et Héloïse dans le froid glacial de Rennes. Iels ont traîné leur stylo et leur caméra au Stunfest tout le weekend… et vous en saurez bientôt plus. Kenavo !